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Rituel


Consigne : Compte-rendu du déroulement habituel de la mise en branle des mots.

Contrainte : N'utiliser que des phrases simples, c'est-à-dire ne contenant qu'un seul verbe conjugué.

La sonnerie retentit. J'ouvre la porte de l'appartement. Paoula apparaît sur le seuil, radieuse, une bonne bouteille dans une main, une boîte de gâteaux dans l'autre.
Après quelques échanges cordiaux, nous nous installons à la table du salon avec des feuilles vierges, d'un seul côté, et des stylos à pointe fine. Nous envisageons plusieurs exercices d'écriture. Paoula se prend plusieurs fois la tête entre les mains. J'ai tracé certains schémas sur le blanc d'une feuille. Nous discutons dubitativement de l'intérêt des uns et des autres avant de faire le choix du jeu du jour. Le plus difficile est de formuler clairement les consignes d'écriture.
Je regarde ma montre fébrilement. Mon estomac commence à gargouiller. Il est temps de passer à l'acte. Nous avons assez parlé. A présent, il faut écrire.C'est décidé. Nous avons fixé le timing : un quart d'heure, pas plus !
Je fais chauffer de l'eau dans la bouilloire électrique. Je la verse dans la théière. Je dispose des tasses sur la table du salon. J'enfourne "Musique Romantique" dans le lecteur de CD. J'appuie sur la touche "Play". Je me rassois sur la chaise de bois clair.
Nous commençons ensemble à écrire. Je rature beaucoup. Des fois, je rature tout. Je recommence.
Je me sens souvent soeur de Pénélope.

J'appelle Daniela pour une dînette écriture. Écrire avec elle me manque. Parfois, elle m'assomme de règles grammaticales. Mais pour la mise en route, c'est primordial. Le jeu d'écriture doit être bien défini dès le départ. Une tisane à la pomme, bien chaude, va de soi. Et puis, je ferme les yeux. De la musique classique envahit la pièce.
Les mots tardent à venir. J'efface les règles de ma mémoire. Les phrases s'écoulent de mon regard. Peu à peu, elles se dessinent sur la page de brouillon. Face à face, autour d'une table ronde, nous écrivons. Plus rien n'existe alentour. Le stylo cahote parfois sur la page. Le mot juste s'égare. Le terme exact se retrouve.
C'est flippant et agréable à la fois. J'aime me perdre dans les phrases...

Triplé lipo (sans t)


Sa bouche rouge, dans son visage blême, bouge comme une limace sur une plage de sable blanc quand elle grimace à l'annonce de la messe du Nouvel An où sera annoncée, par le curé de la paroisse, la formule honnie qu'elle refuse de prononcer : 
"Bonne année, mes chers frères, mes chères soeurs, soyez heureux, heureuses ensemble ! Que ce nouvel an vous mène de surprises en surprises, de voyages dispendieux en voyages fabuleux, de désirs impies en désirs pieux, d'amour vénal en Amour de Dieu !"
AMEN

 

Monosyllabique du jour 1


Premier triplé au coin du feu

Râ, le chat huant blanc crie du haut du banc gris. Il crie car il a peur du noir. Il sent que le soir est gris. Il craint la nuit. Il veut voir son seau plein de lait blanc. Il a soif sur son banc, il crie, le soir, le chat huant gris sur son banc blanc.
Il se rue sur le car lent et part avec lui car son gros cou sent le lard et le gras. Mais il est fier de lui, de ses doux pas bien à plat sur le sol mou du bus laid mais sans poils ni blancs, ni noirs, ni gris.
- Tu bois du thé quand tu broies du noir mais si tu as soif, tu prends de l'eau, lui a dit Bob dans le car, il y a trois jours.
- Mais non ! lui a hué très fort le chat blanc-gris, tu le sais bien ; je ne bois que du lait blanc sur un banc gris, le soir, tard, dans le car, près de toi, Bob !!!
- Râ, si tu cries, si tôt, dans le car, lent, ça ne va pas du tout et donc, pas de gros rats gras pleins de lard, ce soir pour toi !
- Bob, tu ne sais pas ce qui est le mieux : du lait ou du rat, du gras ou du lard, du blanc ou du noir, du thé ou de l'eau, tant pis pour toi !
- Tais-toi, Râ, a dit Bob ce soir là au chat-huant.
Dès lors, il n'y eut plus, dans le bus très lent, un seul soir sans cris de Râ.
Mais, ce jour, le 5 du mois de mars de l'an 10, Bob, tout fou, fait "stop", d'un ton sourd, au chat Râ huant et le bus, sans freins, part tout droit dans le mur vert de gris ; Bob, bleu de peur, sort du car mort, le chat blanc muet sur son bon gros dos rond roux de chien.